Régulièrement je sors de chez moi et parcours la campagne un carnet de dessin à la main. Dessiner est une nourriture première, un fil invisible tendu entre le réel et moi. Ce lien se détend-il ? et mon tableau futur sera une coquille vide, un assemblage triste de formes aléatoires. Le dessin me permet d’appréhender le réel d’une manière consciente et inconsciente, la main trace aussi ce que l’œil seul perçoit. Toujours j’essaie d’insuffler une charge émotionnelle, obéissant rigoureusement à mon intuition qui me garantit des « artifices » de représentation et permet aussi de renouveler l’aventure picturale.
Je n’irais pas à l’atelier si la peinture n’était que l’application patiente par des procédés savants d’une vision préétablie, fût-elle la plus personnelle. Lorsque je peins à partir de ces dessins, je n’ai aucune idée du tableau fini. Je me sens souvent mené par une logique des formes, des espaces, des lumières, des couleurs, propre au travail du peintre qui me rend à la fois acteur et spectateur. Lorsque la toile sonne juste en faisant écho à mon intériorité, alors le tableau par son évidence même est terminé.